Entretien avec le ministre

 Le 10 Avril 2019, nous avons été accueilli par M. le Ministre d'Etat, Guy Bertrand Mapangou, pour un bref entretien sur la politique du gouvernement Gabonais au regard de la protection de l'environnement. Voici, en substance, le contenu de cet entretien. 

- Comment s'organise aujourd'hui la protection de l'environnement au Gabon ?

[M. le Ministre] Le Gabon, est sans prétention, leader sur les questions climatiques et la protection de l'environnement. Il y a pleins d'initiatives qui sont mises en oeuvre, du plan climat à la protection de la biodiversité. Aujourd'hui, 11% du territoire correspond à des aires protégées, avec 11 parcs nationaux terrestres dont 1 au patrimoine mondiale de l'UNESCO. A cela s'ajoute deux parcs marins. 

Le Gabon devrait pouvoir bénéficier des aides internationales pour la protection de l'environnement, plutôt que ces aides arrivent aux ONGs. Il n'est pas normal qu'on demande à un petit pays comme le Gabon de faire tous les efforts alors que les grandes puissances ne font rien, et polluent beaucoup plus. La communauté internationale vie de l'oxygène produite par les forêts du Gabon.  

  - Comment intégrer la populations locales dans les réflexions conduites au sujet de l'environnement et les inciter à s'engager dans sa protection?

[M. le Ministre] Quel est l'impact sur la population des plans de protection de l'environnement ? Sur l'emploi par exemple? Cela ne sert à rien de faire des plans de protection de l'environnement si l'homme est laissé de coté. Les populations de pygmées sont elles consultées ? On devrait les mettre plus en avant pour apprendre d'eux sur comment vivre avec son environnement. Il y a la une véritable connaissance à aller chercher. Ils n'ont pas de filets, et pourtant, ils pêchent , ils n'ont pas de fusils, mais ils chassent. Ils ne font pas de battue pour la chasse, mais des prélèvements. Ils n'ont pas de pharmacie, mais ils se soignent avec les plantes. Les pygmées, eux, ne connaissent pas le paludisme car ils savent éloigner les moustiques et en guérir. Il faut une approche ethno-anthropo-écologique. A port Gentil , il y a 20 ans, les gens creusaient encore des trous pour enfuir leurs déchets derrière les maisons. Les pygmées continuent de gérer des fumiers derrière chez eux pour produire leur propre engrais. 

Les populations villageoises nous interpellent par exemple sur la difficulté de cohabitation avec les éléphants qui saccagent les récoltes. Ignorer ces doléances serait une erreur, car on ne pourra pas faire de la protection de l'environnement une activité pérenne si nous avons pas le soutien des populations. Il faut aller regarder comment d'autres pays, la Namibie ou le Kenya ont résolu ce problème.    

  - Quelles opportunités pour que l'écotourisme au Gabon? Quelles infrastructures seront nécessaires et quel public viser ?

[M. le Ministre] L'Etat a un rôle pour mettre en place un politique d'incitation et de communication pour promouvoir le potentiel du pays sur l'écotourisme. Le Kenya, l'ile Maurice ou le Botswana ont des économies qui sont tournées majoritairement vers le tourisme, et le Gabon devrait pouvoir en bénéficier d'avantages. Nous avons une biodiversité et des paysages exceptionnels à mettre en avant. 

Mais l' Etat Gabonais n'a pas l'argent pour, et les investissements doivent venir du privé. L'Etat avait essayé de construire des lodges dans certains parcs nationaux, mais il y a eu des problèmes d'entretien, et les fonds ont manqué. Une des principales difficultés pour l'accès aux parcs, sont les routes et les infrastructures pour s'y rendre. Il faut pouvoir développer ces infrastructures, pour pouvoir assurer un flux touristique depuis Libreville vers les parcs nationaux.

La plupart des Gabonais ne sont jamais allé dans les parcs nationaux, n'ont jamais vu les éléphants. Il y a une profonde méconnaissance de la forêt, notamment dans les grandes villes. Il y a donc un tourisme local à développer. 

Le gouvernement croie en un tourisme de luxe, mais pas trop à un tourisme de masse, de façon à pouvoir financer les programmes de protection des parcs et de lutte contre le braconnage sans compromettre les efforts par une arrivée massive de touristes. Il y aurait un risque environnementale et de sécurité que de voir des foules bruyantes dans la forêt. Le sujet de l'éco-tourisme est cependant traité par le ministère du tourisme, et non par le ministère des Eaux et Forêts. 

  - Y a-t-il une éducation à la protection de l'environnement ? Est-ce dans les programmes scolaires ?

[M. le Ministre] Les enfants des villages connaissent mieux le sujet de l'environnement que les enfants des écoles conventionnées des villes. Ils vivent dans le milieu.

Il y a un projet, en coordination avec l'UNESCO et l'institut publique nationale de faire inscrire le sujet de l'environnement dans le programme scolaire, avec notamment la formation des formateurs, des enseignants sur ces sujets.

La sensibilisation à l'environnement existe depuis longtemps et dans de nombreux pays mais ne porte pas ses fruits. Il faut plutôt de la "consentisation", des méthodes et des outils didactiques qui permettent de mesurer un résultat comportementale.

Dans les années 2000, au moment de la création des parcs nationaux, il y avait un programme d'Education Relative à l'Environnement (ERE) qui a disparu depuis.  De même, il y a 30 ans à l'école primaire, il y avait des cours de travaux manuels , où l'on apprenait à cultiver le sol, à construire un abris, .. c'était les prémices d'une éducation à l'environnement.  

Notes

Quand nous avons rencontré M. le Ministre d'Etat, Guy Bertrand Mapangou, celui-ci était en place que depuis quelques mois à la suite d'un remaniement ministériel. 

Il n'est pas exact de penser que la forêt Gabonaise produise l'oxygène que nous respirons. Il s'agit en effet, d'une forêt arrivée à maturité, c'est à dire qui ne grandit plus. La production d'oxygène résultant de la croissance des arbres vivants, est compensée par la production de CO2 résultant de la décomposition des bois morts par le biotope notamment présent dans l'humus. Une forêt à maturité est donc neutre en dioxyde de carbone. 

Les pygmées du Gabon vivent cachés dans la forêt et ont un mode de vie nomade. Il s'agit de la population indigène du Gabon, les autres ethnies étant arrivées lors de migrations à partir du XIème siècle . Il est très difficile d'approcher des villages pygmées, qui peuvent nécessiter plusieurs semaines de marche à travers la forêt. De nombreux conflits avec d'autres ethnies ont eu lieu dans le passé, et ils possèdent une certaine autonomie sur leur territoire, avec des accords entre le gouvernement et les pygmées. Il est par exemple interdit de parler d' ethno-botanique. 

Aujourd'hui, la plupart des parcs nationaux ne sont pas (ou très difficilement) visitables. Les raisons sont multiples, allant de l'interdiction gouvernementale dans les parcs présidentiels, à des interdictions liées aux conflits armés de lutte contre le braconnage ou simplement l'absence totale d'infrastructures.